Depuis mardi 19 avril, la caserne de Marie-Galante accueille en son sein son nouveau Commandant, le Lieutenant Jacques Laguerre. Depuis près d’une vingtaine d’années, des originaires de Marie-Galante officiaient à ce poste. Avec le Lieutenant Laguerre, c’est aussi un homme de valeur et d’instinct qui prend ses fonctions à Marie-Galante sur fond de caserne en zone inondable, de temps d’intervention parfois critiqué et alors que les pompiers n’ont pas hésité à mettre des véhicules affichés EN PANNE en plein sur le parking profitant ainsi du passage des gradés dans l’île. Que penser de tout cela? Éléments de réponse.
PORTRAITS
Les pompiers de Marie-Galante ont procédé officiellement à un changement de commandement. Le Lieutenant Patrick Leroux quitte ainsi son affectation qu’il occupait depuis six ans. Cet engagé volontaire en 1984 à l’âge de 18 ans, passé professionnel en 1991, sous-officier en 2001 et Lieutenant depuis octobre 2014, à Marie-Galante depuis 2015, il rejoint maintenant le CODIS (Centre opérationnel Départemental) en Guadeloupe continentale à la Caserne Perrin, à Dothémare. Il va maintenant être à la coordination des moyens engagés sur les opérations notamment sur Marie-Galante. Celui qui enfilait les bottes des pompiers étant enfant à Grand-Bourg espère bien revenir sur l’île pour finir sa carrière :
Le Lieutenant fait son bilan notamment sur l’amélioration du cadre de vie et la sécurisation de la caserne, le renforcement du parc automobile et des équipes notamment avec le recrutement de deux pompiers volontaires. Il laisse la place au Lieutenant Jacques Laguerre. Rencontre avec ce pompier de 61 ans qui fait confiance à son instinct. Pompier volontaire depuis 1981, passé professionnel en 1990 puis officier de sapeur-pompier. Il y a plus de 15 ans, il a été à l’origine d’une intervention décisive qui a permis de sauver 12 personnes à la dérive au large de Sainte-Rose alors que l’opération de reconnaissance était restée vaine. Afin de mieux le connaître, écoutez cette interview:
QUESTIONS PIMPON
Des délais d’intervention jugés trop longs?
Aussi bien sur l’incendie de l’entrepôt Turlepin que sur l’incendie de Tivoli ces derniers jours, des critiques se sont faites jour sur le temps d’intervention. Tout d’abord, le délai raisonnable d’intervention des pompiers est une fourchette assez large qui peut aller jusqu’à 20 voire 30 mn selon la distance à parcourir. Le délai raisonnable en moyenne court depuis le déclenchement à la caserne et l’arrivée des pompiers sur place. Les pompiers assurent être dans cette fourchette. Même si la localisation de la caserne pose quelques questions sur les territoires plus excentrés comme Saint-Louis. Les gradés interrogés rappellent tous sans exception que « face à l’urgence le temps est très long ».
Pourquoi le 18 n’atterrit pas directement à la caserne de Marie-Galante?
Beaucoup également notent le fait qu’il faille appeler la Guadeloupe, le Centre de Traitement d’Alerte, pour déclencher une opération, alors ce système est-il bien adapté à notre île ? Il existe pourtant un numéro direct de la caserne mais la politique souhaitée est de passer par le CTA disponible au 18 car « le risque avec ce numéro marie-galantais est de n’avoir personne au bout du fil si les pompiers ont déjà plusieurs interventions en cours » nous explique-t-on. Il reste toutefois à améliorer l’adressage souvent partiel afin de faciliter la localisation auprès de personnels qui ne connaissent pas le territoire.
Un nouveau centre mieux placé et plus abrité, mais quand?
L’actuelle caserne est une catastrophe. Mal située par rapport au reste du territoire, en pleine sortie de ravine, en zone inondable. Quand il y a une montée des eaux, les pompiers doivent d’abord écoper chez eux et mettre à l’abri leur matériel avant d’aller secourir les administrés comme ce fut le cas en 2020. Jusqu’à quand va durer cette situation ubuesque ? « Normalement, ce nouveau centre devrait être construit ou en cours de construction mais tout est retardé. On devrait espérer dans trois ans maximum. C’est la bonne surprise si ça arrive avant », annonce prudemment le Lieutenant-Colonel Didier Valmy-D’Herbois, chef de groupement EST au SDIS de la Guadeloupe. La caserne sera située à Commobile, à proximité de Pirogue.
Pourquoi les pompiers exposent leurs moyens « EN PANNE depuis une semaine?
Situation plutôt cocasse que celle de mardi 19 avril. Les pompiers ont exposé depuis une semaine maintenant les véhicules en panne profitant du passage de plusieurs gradés sans doute pour tirer la sonnette d’alarme à la hiérarchie. Sollicités, certains pompiers n’ont pas voulu s’exprimer. A cause de la grève dans leurs rangs, les pompiers sont en mode dégradé et des commandes ne sont pas passées, du retard est constaté dans les réparations. Un camion et un pick-up sont voués à être réformés. Une moto-pompe est en panne mais il en existe une deuxième rapatriée à Marie-Galante depuis l’incendie de pneus à Folle-Anse. La situation de Marie-Galante est particulière puisqu’il n’y a pas d’atelier départemental à disposition. Toutefois, font remarquer les gradés, « par rapport à des casernes d’égale importance, Marie-Galante se retrouve plus dotée. Certains matériels ont été doublés. Il y a notamment trois ambulances alors qu’un centre de cette catégorie sur le continent n’en a qu’une », rappelle le Lt Patrick Leroux qui confie ne pas comprendre l’attitude de ceux qui ont mis les véhicules à cet endroit. Heureusement, le centre fonctionne en autonomie pour certaines réparations grâce à la bonne volonté du personnel. «On a la chance d’avoir un collègue mécanicien. M. Lancelot qui est disponible H24, si on l’appelle à minuit 1h du matin, s’il y a un problème sur un véhicule et qu’il faut absolument ce véhicule, il va venir », souligne le commandement. Marie-Galante s’autonomise et se débrouille en clair. On se souvient de l’épisode du sauvetage du miraculé de la passe des Basses fin 2020, durant lequel les pompiers n’avaient pas pu intervenir à proprement parler puisqu’ils ne disposaient pas de canot de sauvetage. Actuellement, un canot est en place mais il manque le pick-up pour le tracter. Il est à réformer et la caserne est en attente d’un nouveau matériel.
Le centre de Marie-Galante peut être plus autonome mais comment?
Même avec un canot à disposition, il faut des moyens humains qualifiés. « Une intervention en mer ça relève de l’intervention des spécialistes. Le pompier lambda ne peut pas se jeter à l’eau comme ça », rappelle le Commandement. Le Lieutenant Patrick Leroux indique que doter Marie-Galante d’une unité spéciale a été son « cheval de bataille » en arrivant. « Nous avons des spécialistes aquatiques chez nous. On en a deux qui sont opérationnels. Il en faudrait trois car pour qu’ils puissent intervenir il faut un chef d’unité et on n’a pas cette qualification pour le moment », conclut-il.
Sur un territoire avec beaucoup de risques potentiels : noyades, accident de la circulation, risques industriels avec l’usine de Grande-Anse et les distilleries (stockage d’alcools…) et chimiques (sargasses), risque d’incendies aussi bien sur les équipements stratégiques (dépôt Rubis) et les habitations sans compter tous les défis à relever dans l’organisation même du travail des pompiers, l’agenda du Lieutenant Laguerre qui vient tout juste de prendre son Commandement risque d’être bien rempli.