Des salariés, bénéficiaires, familles d’enfants pris en charge et sympathisants de la structure-mère ont défilé mardi matin à Marie-Galante. Tous dénoncent le non-versement des financements et le non-renouvellement des agréments les liant à L’Etat. Près d’1,8 millions d’euros seraient notamment dus par la DEETS. Dans le même temps, une enquête est en cours pour détournement de fonds publics.
« San agréman, mi dézagréman » ou bien encore «L’APAEI sé tan nou, sé pa ta yo » résonnaient dans les rues de Grand-Bourg ce mardi 14 juin. Plus de 300 personnes ont défilé en soutien à l’APAEI, l’Association des Parents et Amis des Enfants Inadaptés de Marie-Galante. Derrière cette appellation que tout le monde ici connaît, ce n’est pas une petite association mais bien une grosse machine de l’économie locale qui emploie en tout 250 personnes qui est désignée. C’est le premier employeur privé de Marie-Galante devançant l’usine de Grand-Anse. Il se dit communément ici que chaque Marie-Galantais a au moins un proche qui y travaille. L’APAEI gère des établissements médico-sociaux mais aussi des boutiques, des restaurants, une boulangerie… Un système bien huilé qui fonctionne depuis 18 ans et emploie nombre de travailleurs en situation de handicaps dont il permet l’insertion par le travail. L’association revendique injecter pour 8 millions d’euros dans l’économie de Marie-Galante chaque année.
« L’ARS, la DEETS, débloké lajan an nou »
Car le problème de l’APAEI est que depuis 2020, les agréments ont du mal à être renouvelés et les versements de l’Etat se font de plus en plus attendre. C’est la DEETS (la Direction de l’Economie, de l’Emploi, du Travail et des Solidarités) qui abonde les fonds des entreprises adaptées qui aurait la dette la plus préoccupante : 1,8 Million d’euros depuis avril 2021. L’Agence Régionale de Santé également trainerait des pieds. Ni l’une ni l’autre n’a répondu à nos sollicitations pour en connaître la raison. L’ARS a pour sa part avancé l’argument de la période de réserve électorale. Selon Nadine Pélage, directrice des structures, la dette ARS serait plus diffuse puisque l’agence continuerait d’envoyer une partie de dotation mais pour la DEETS, « c’est là où j’ai un nœud gordien », indique la directrice qui affirme même avoir hypothéqué ses biens personnels dont sa maison afin de donner des garanties à la banque qui consent à continuer de suivre l’APAEI. « L’élément déclencheur de la manifestation, c’était le mois dernier. Quand le Préfet a refusé de signer l’annexe financière 2022 pour le restaurant le Jéricho nous obligeant à envisager le licenciement de dix travailleurs handicapés», narre la directrice. « Si cette situation devait continuer, je n’aurais pas d’autres choix que de licencier des personnes. L’État est coutumier d’avoir des retards de paiement. J’ai déjà connu huit mois de retard de paiement mais là nous en sommes à un an. Aujourd’hui, notre banque nous fait de l’avance qu’elle ne voit pas rentrer depuis un an», précise la directrice qui indique avoir introduit un recours administratif préalable obligatoire auprès des tribunaux pour que l’Etat paie ses dettes. « C’est un recours amiable et nous en attendons le résultat », confie Nadine Pélage qui a bon espoir.
« Si j’avais détourné de l’argent et mis dans ma poche, ça se saurait depuis bien longtemps », Nadine Pélage, directrice APAEI
Une enquête ouverte par le Parquet
Alors pour quelle raison la Deets conserverait-elle 1,8M d’euros ? Y aurait-il un souci de gestion au sein de la structure ? Nadine Pélage s’en défend.« Si j’avais détourné de l’argent et mis dans ma poche, ça se saurait depuis bien longtemps », répondait-elle avec force mardi 14 juin. Pourtant, récemment, des salariés ont été entendus par des enquêteurs. Interrogée sur le fait qu’une enquête soit en cours, la directrice parle d’une visite reçue par la structure mais qui n’aurait rien à voir avec sa gestion. « Le 10 mai dernier, des enquêteurs sont venus contrôler les salariés. La police judiciaire est venue et a contrôlé les contrats de travail et les bulletins de paie. Tout cela est lié à un signalement du Pôle emploi qui remonte à 2018 pour prêt illégal de main d’œuvre mais je ne sais même pas ce que cela signifie pour tout vous dire», se défend la directrice. Seulement voilà, confirmant une information de Guadeloupe la 1ère, il semble que l’enquête aille plus loin que du travail dissimulé. « Le parquet de Pointe-à-Pitre a ouvert une enquête sur des faits d’escroquerie organisée, détournements de fonds publics, travail dissimulé et blanchiment de fonds », nous dit le média qui indique même que le Groupe Interministériel de recherches a été saisi de l’enquête. Ce qui signifie que les moyens de la Police Nationale, de la Gendarmerie, de l’URSSAF, de la Douane, de l’inspection du travail et des Services Fiscaux travaillent conjointement. Pour l’instant, difficile d’y voir plus clair sans que les principaux organismes s’expriment sur les raisons du non-versement des financements et le non-renouvellement des agréments. Pendant ce temps, ce sont des familles et des salariés qui sont dans l’appréhension de l’avenir de l’APAEI de Marie-Galante.