Décidément, il faut surveiller l’actualité de l’usine sucrière de Grande-Anse à Grand-Bourg comme le sirop dans la batterie. Si la sucrerie-rhumerie de Marie-Galante doit bientôt recevoir son feu vert technique afin de démarrer la campagne d’ici le 24 mars, on peut se demander dans quelles conditions les cannes seront transportées. Car la majorité des opérateurs de coupe agréés fait grise mine. En cause : 395 000 euros de pertes sur la campagne 2021, avancent ces professionnels. Ayant rédigé un courrier à la SRMG afin d’être indemnisés, leur demande est restée sans réponse. Depuis plusieurs mois, sept opérateurs de coupe sur les neuf agréés tirent la sonnette d’alarme. Dans un courrier envoyé début novembre avec pour objet « prise en compte des pertes subies sur la campagne 2021 », ils détaillent par le menu les trous dans leurs comptes.
Presque 400 000 euros de chiffre d’affaires en moins
Comment oublier la campagne incomplète de l’an dernier suite à l’incident sur la chaudière de l’usine en début de campagne ? Le transbordement des cannes, les mouvements sociaux à répétition de tous les côtés, l’accident de barge, le remplacement de la barge par une autre, bref, le feuilleton qui n’en finissait plus. Résultat : seulement 42% des prévisions des 71 000 T prévues ont été récoltés. Tout le reste est en manque à gagner pour les opérateurs. Ce sont des tonnages de cannes en moins et donc des paiements en moins sur les prévisions qui avaient été faites. Quand les opérateurs préparent une campagne, ils expliquent passer des commandes de pièces, de pneus et même d’engins au moins 5 mois avant. Précisément, ce sont 395 636,32 euros de perte de chiffre d’affaires qu’ils ont estimé. Toutefois, le document prend en compte les pertes de deux opérateurs qui eux ne sont pas signataires du courrier, et feront vraisemblablement la récolte 2022 : la SCEA Modeste (d’Athanase Coquin, qui afficherait des pertes de plus de 67 000 euros) et l’EARL LDPL (Marius Nébot). Sur les neuf entités listées, la plus grosse perte enregistrée est celle de la Cuma le Progrès, dirigée par Fabien Abisur, avec 170 762 euros. La MTA Montout, la SN Agri Services et la SAS Boécasse affichent des pertes entre 35 000 et 49 000 euros chacune. Les opérateurs agréés restants affichent des pertes allant de 2000 à 10 000 euros. «Jusqu’à maintenant, toutes les indemnisations annoncées vont uniquement vers et pour les producteurs », souligne le courrier. Il semble clair que les opérateurs tiennent l’usine directement pour responsable de ce manque à gagner. Dans un courrier adressé à l’Iguacanne, signé cette fois-ci par deux opérateurs (la Cuma et la SAS Boécasse, représentant des ETA de Marie-Galante) le 19 novembre, ceux-ci précisent que ces conséquences (de l’incident qui a entraîné une fermeture de l’outil industriel, ndlr) sont « imputables à la sucrerie qui n’a jusqu’à maintenant désigné aucune autre responsabilité que la sienne » et préviennent que « cette situation ne permet en aucun cas de garantir la réalisation de la campagne 2022 car nous n’avons ni les moyens, ni la volonté actuelle… », est-il écrit.
SRMG : « Ils ne vont pas me faire changer d’avis. Je ne vais jamais me mettre à genoux devant eux »
Du côté de la SRMG, la Sucrerie-Rhumerie de Marie-Galante, le Président du Conseil d’Administration, Marthyr Nagau, est catégorique : « Je ne peux pas payer, je ne vais pas payer les cannes qu’ils n’ont pas transporté. Ce n’est pas à la SRMG qu’ils devraient demander des indemnisations mais aux collectivités ou à l’Etat. L’usine n’a pas de convention avec les opérateurs de coupe. Ils en ont avec les planteurs », répond le Président. Et d’enfoncer le clou : « Ils ne vont pas me faire changer d’avis. Je ne vais jamais me mettre à genoux devant eux. J’ai programmé une réunion avec eux, ils ne sont pas venus. C’est vite fait 56 000T de cannes à récolter », tance Marthyr Nagau.
Les opérateurs non-agréés mis à contribution
« Dans la liste qu’ils ont envoyée, il y a deux non-signataires et ils ne mentionnent pas les opérateurs non-agréés qui font presque autant de cannes que ceux qui sont agréés, alors la campagne se fera. Les cannes vont être transportées. Il y a suffisamment de personnes pour ramener les cannes à l’usine. Le 24 mars, ça se passera bien », affirme, confiant, MArthyr Nagau. Le 2e plus gros opérateur de coupe agréé après la Cuma le Progrès, la SCEA Modeste, se dit prêt : « Je suis prêt à commencer la campagne dès qu’on me donne les ordres de coupe », indiquait Athanase Coquin, il y a quelques jours encore au sortir de l’Assemblée Générale de la SRMG. Quant à savoir si les non-agréés (au nombre de trois) peuvent légalement livrer, Marthyr Nagau fait remarquer que les agréments sont bloqués depuis une dizaine d’années mais que « ça ne posera aucun problème ». «Les non-agréés pourront livrer sur le quota usine. Ils sont prêts à démarrer la récolte et les gens (planteurs, ndlr) attendent pour récolter. Ma décision est prise, c’est irrévocable », confirmait-il ce mardi 15 mars. Dialogue inexistant entre les deux pour le moment. Quant à savoir si les opérateurs mécontents pourraient se mobiliser : «Nous n’avons jamais dit que nous allions faire quoi que ce soit comme blocage », peut-on entendre de leur côté. Actualité à suivre…