Il y a la rentrée des classes et la rentrée des cannes mais en ce jeudi 31 mars, c’est un début bien calme pour cette campagne sucrière. On est loin de la grande fête, de l’effervescence habituelle, avec le ballet des camions qui font la queue devant les balances, puis libèrent leur chargement de cannes sur le carré de béton du pont roulant. Certains parlent de réglages encore en cours, que ce n’est pas la vraie « rentrée », que ce sera lundi. Ce jeudi matin, l’ETA Modeste, d’Athanase Coquin a pu livrer mais ce sont les chargements qui cachent la forêt des autres opérateurs réticents. Il faut bien le dire, les cannes sont rares à l’usine. 800 Tonnes étaient attendues pour aujourd’hui. Peut-être que ce chiffre ne sera pas atteint. « Ben y a pas de cannes à ramasser (sur le pont roulant, ndlr) », confie même un salarié, presque déprimé. Pour comprendre ce qu’il se passe en coulisses, consultez l’article du 16 mars dernier sur les indemnités demandées par les opérateurs de coupe agréés au titre des pertes de l’an passé. En effet, sept opérateurs sur les neuf agréés veulent être indemnisés car ils estiment qu’ils ont un manque à gagner en chiffre d’affaires de presque 400 000 euros.
La SRMG estime que la situation est réglée…
Stéphane Deniaud, le directeur de l’usine, interrogé pendant la visite du député Olivier Serva, de passage, assure d’un ton enthousiaste : « C’est réglé, oui tout-à-fait. On a eu une discussion hier après-midi (mercredi 30 mars) constructive, les opérateurs ont fait part de leurs soucis pour démarrer donc on a pris la mesure du problème et là, ils vont se lancer gentiment sur un démarrage de campagne. Le temps qu’ils s’organisent et le gros arrivera on pense lundi ». Questionné sur ce qui aurait permis ce dégel entre les deux parties, Stéphane Deniaud continue : « sur la partie indemnisation sur 2021, il n’y a rien eu de décidé par contre on a modifié notre façon de les payer donc on va faciliter le paiement de leurs prestations pour le compte des planteurs où au lieu d’être payés à 45 jours, ils seront payés à 15 jours », conclut le directeur.
Sauf que…rien ne serait réglé selon les opérateurs concernés
Fabien Abisur, le président de la Cuma le Progrès, interrogé par téléphone, affirme que rien n’est réglé. « On les laisse dans leur déni et ils vont finir par s’en rendre compte. Tout ce qu’ils proposent c’est juste un alignement sur le fonctionnement qui est celui de la Guadeloupe depuis longtemps. Les opérateurs n’ont eu de cesse de faire cette demande chaque année, donc rien de nouveau. Notre statut de victime n’est pas reconnu. Les salariés (de l’usine, ndlr) ont été payés en chômage partiel, des planteurs ont été indemnisés, mais nous niet! », affirme le président de la Cuma, le plus gros opérateur de coupe de l’île. La Cuma prévoit un dépôt de plainte pour réclamer des dommages et intérêts par rapport aux pertes de chiffres d’affaires de la campagne 2021, estimant que la SRMG en est comptable suite à la casse sur la chaudière de l’usine. Ce jeudi soir, les opérateurs doivent se concerter. Lundi, un conseil d’administration de la Cuma est convoqué afin de savoir si celle-ci se lance dans la campagne cette année ou pas. « On cause des pertes à des gens et on leur dit : circulez y a rien à voir », conclut Fabien Abisur. Un conflit larvé qui laisse des traces car certains salariés de l’usine se souviennent que durant la crise de l’an dernier, les opérateurs ne les ont pas soutenu et ont travaillé pendant le transfert. Alors que cette année tout redémarre, l’opinion publique va-t-elle comprendre ce conflit qui couve de nouveau ?
