UPDATE: Mouvement terminé mardi 14 mars dans l’après-midi
Ce qu’ils ont obtenu
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Une publication partagée par Foufougong (Stéphanie Sérac) (@foufougong)
DOSSIER À LIRE :
Depuis lundi 13 mars, ils sont une soixantaine environ, avec leurs professeurs, à bloquer le lycée de Grand-Bourg pour dénoncer leurs conditions « déplorables » de travail. Des poubelles disposées devant les entrées, des pancartes de revendications qui exigent des denrées, plus de contenus dans leurs cours, ou bien tout simplement une cuisine. Ceux qui habituellement représentent dignement l’accueil et le service en salle ont disposé des poubelles devant les accès, installé leur campement et décidé de hausser le ton pour se faire entendre. Qu’est-ce qui a bien pu déclencher une telle colère ? Foufougong est allé à leur rencontre.
Habituellement, la filière Hôtellerie-Restauration sur cette île touristique, c ‘est l’une des meilleures vitrines du lycée. À des soirées professionnelles, à la Route du Rhum, sur le tournage de « Meurtre à Marie-Galante », en voyage dans des restaurants étoilés à Paris ou bien sur le Club Med 2…, on les retrouve sur des projets prestigieux. Pourtant, derrière les initiatives de l’équipe éducative, il y a un revers de la médaille bien encrassé : pas de cuisine depuis juin 2022, un internat géré à l’économie pour réduire les postes de dépenses de la Région, les repas pour les internes livrés au choix avec des vers, des ravets, des mouches, des enseignants contractuels parfois peu motivés ou absents qui produisent une formation peu homogène, à la carte, et inégale selon les classes, rapportent les élèves unanimement. Sur une île touristique, où on demande de l’emploi local, ces jeunes ont pourtant le sentiment d’être la génération sacrifiée. Une batterie de raisons qui a fini d’entamer leur foi dans leur formation qu’ils pensent au rabais. Pourtant, il y a du potentiel aussi bien du côté des élèves que des professeurs. Rencontres et témoignages avec ceux qui font partie, selon eux, d’une génération COVID abandonnée.
Sur huit professeurs, quatre sont contractuels. Selon les élèves, cela donne des formations parfois décousues où l’on apprend à faire des crêpes des mois durant, mais où ils ne savent toujours pas en terminale Bac pro restauration « lever des filets ». Dylan Viator, représentant de la section HR au lycée hôtelier de Marie-Galante, élève de Terminale Bac Pro dénonce
« Trois ans dans le vent », les mots sont durs mais les conditions également. Tout d’abord, pas de cuisine. La situation dure depuis la rentrée 2022. Sylvain Barbier, enseignant en restauration au lycée de Grand-Bourg.
(Voir l’ITW de Camille Pélage sur la cuisine et l’internat)
Former des élèves sur l’île qui pourront travailler pour beaucoup sur leur territoire, c’est une opportunité et même une arme stratégique contre le dépeuplement présenté comme « inexorable » de Marie-Galante depuis les années 1960. La formation Hôtellerie-Restauration attire des élèves de Guadeloupe continentale. Elle pourrait être un pôle d’attraction pour une filière organisée. À condition d’avoir un internat attractif. Celui proposé au lycée est cher, 2400 euros par an (30 internes en 2022). En plus à la clé, la structure est fermée le dimanche soir. Il faut alors trouver un correspondant sur place pour passer la nuit du dimanche et ne pas rater les cours du lundi matin. Autre point noir, les repas livrés par une société privée réserve des surprises intolérables qui retournent le coeur. Ecoutez le témoignage édifiant de Gary, de Sainte-Anne, présent à Marie-Galante depuis trois ans mais qui n’en revient pas
Un internat fermé le dimanche et des vers dans les repas des internes
Même avec tout ça, cela fait trois ans que Gary vient religieusement assister à ses cours et repart le week-end, qu’il est fier d’être formé à Marie-Galante et a foi dans son avenir. Il n’a pas décroché. Il y a donc bien un rêve, une motivation, du potentiel. Guyreyane Toto, 17 ans, est bien conscient que l’île est vouée à se développer de façon exponentielle d’ici quelques années et il veut y prendre part
LE SAVIEZ-VOUS ?
Lydia LENGRAI : la professeure de HR du lycée a été lauréate du concours chef de la Guadeloupe en 2012 face à Jimmy Bibrac et Jeff Antus
Parmi les enseignants mobilisés, on retrouve Lydia Lengrai, l’une des professeurs titulaires de la filière. Et son cv est impressionnant. Sortie grande gagnante en 2012 du Concours des chefs de Guadeloupe devançant Jimmy Bibrac. Il y avait également à ses côtés Jeff Antus qui a participé à Masterchef.
« Je suis en train de mourir à petit feu (…), ça ne donne plus envie »
« Rien n’est fait pour dynamiser cette section »
C’est donc une filière à valoriser aux yeux des parents, des élèves et des professeurs contractuels qui viennent y travailler.
Ce qu’ils en disent ? Foufougong a contacté la Région et la Proviseure du Lycée
La Région : les prévisions sur l’internat et la cuisine
Nous avons contacté Camille Pélage, vice-président de la Région qui affirme avoir rendu visite jeudi dernier au lycée et être surpris par la grève.
L’internat fermé le dimanche soir : « Ce n’est pas d’aujourd’hui que cette situation dure. C’est la deuxième année scolaire où elle perdure. Nous en sommes saisis. La collectivité régionale a dû prendre des décisions drastiques pour contenir les dépenses dans le budget de fonctionnement. Pour la rentrée prochaine, les discussions sont en cours car il y a la question de la gestion de l’équipement sportif, le gymnase, qui va justifier l’emploi de personnes. La Région est en train de se redéployer »
En clair, les personnes employées au gymnase qui sera connexe au lycée pourraient travailler à l’internat.
Où en sont les travaux de la cuisine?
« C’est une cuisine dont la note a finalement doublé. Au lieu des 2M d’euros de travaux, ce sont 4 millions d’euros de travaux qui sont engagés. Ce problème remonte à longtemps et on a essayé de s’y attaquer. Il y a eu beaucoup d’allers-retours avec un projet non-stabilisé et qui a provoqué des débats. On était partis sur une simple rénovation mise aux normes mais chemin faisant, le projet a évolué et les 2 millions d’euros se sont avérés insuffisants puisque ça n’allait pas résoudre le problème du plateau technique du lycée. Nous sommes à près de 4 Millions d’euros de travaux. Il a fallu trouver les budgets et surtout le co-construire avec le lycée. Nous avons tenu de nombreuses réunions avec le proviseur et le gestionnaire. Les travaux de démolition sont terminés et maintenant, il faut faire les travaux d’aménagement. Le rétroplanning nous emmène à mi-août. L’unité devrait être opérationnelle le 1er septembre »
Mme la Proviseure Suzie Martias-Dorville,
« Génération Covid oblige, les cours n’ont pas eu lieu normalement. Ils ont subi beaucoup de désagréments. Ils ont un ras le bol. Ils ont le sentiment d’être laissés pour compte. Dans l’établissement, nous avons essayé de tout mettre en œuvre pour pallier les difficultés. Ce n’est peut-être pas suffisant au regard du fait que depuis trois ans, ils subissent des inconvénients. Je ne suis pas responsable de la livraison de la cuisine, ni de la nomination tardive des enseignants. Nous avons fait une réunion de direction pour désamorcer cette crise même si la raison pour laquelle ils la font n’est pas la raison véritable.Nous avons travaillé en visio avec l’inspectrice et demain matin (mardi) nous avons une réunion avec toute l’équipe de cuisine, restaurant et demain après-midi réunion avec les élèves et les parents.
La fermeture du CAP ?
« Elle est envisagée depuis le mois de février. Ils sont deux en première année, madame », répond énergiquement la proviseure, persuadée que le sujet de la grève est plus inhérent à ce sujet. « C’est la première année qui ferme à la rentrée de septembre. C’est lié à la baisse de la démographie très nette et claire lié à la situation Covid antérieure. Les parents hésitent à mettre leurs enfants à l’internat qui est cher. Quand il n’y a pas d’élèves qu’est-ce qu’on fait ? Cela induit une suppression de postes. Nous avons 4 postes en cuisine et 4 postes en service. Le CAP Services n’ayant pas d’élèves : une suppression d’un poste en service », annonce la proviseure.
Alors la fermeture du CAP : conséquence de la baisse démographique ou effet de la réputation écornée de la filière auprès des parents Marie-Galantais qui préfèrent inscrire leurs enfants en dehors de l’île avec à la clé l’accentuation des départs d’élèves après le collège ? Il restera toujours le Bac Pro mais quelle solution pour les classes d’Ulis par exemple, qui avaient des places réservées dans ces filières CAP? Et pour les professionnels marie-galantais qui font appel aux CAP?
Force est de constater que l’Hôtellerie-Restauration est véritablement stratégique pour l’image de Marie-Galante, pour son attraction, et même pour sa démographie. En espérant que la livraison d’une cuisine à 4 millions d’euros et que l’amélioration des conditions de travail permettront de refaire une meilleure image au secteur car il s’agit bien là d’une piste sérieuse pour l’économie locale ainsi que la démographie de l’île.