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Quand le kitesurf s’ouvre aux locaux : récits de Marie-Galantais qui tentent de voler sur l’eau

Quand le kitesurf s’ouvre aux locaux : récits de Marie-Galantais qui tentent de voler sur l’eau

Comment le kitesurf compte passer d’une image de sport de « nantis » à un sport intégré dans la population marie-galantaise ? Pourquoi un policier municipal de Capesterre ambitionne de devenir kitesurfeur alors qu’il n’était pas à l’aise dans l’eau et qu’il n’appréciait pas l’esprit « égoïste » des pratiquants il y a encore quelque temps ? Comment certains Marie-Galantais commencent à  s’organiser autour de ce nouveau pôle d’activité? Reportage sur une série de revirements qui rendrait jaloux les meilleurs spécialistes de la discipline habitués pourtant aux changements d’orientation du vent.

Marie-Galante : une terre de moulins et donc… de kitesurf

Kite kissa ? Mais oui, le kitesurf, c’est « une planche tractée par un cerf-volant adapté » qu’on appelle voile. Et à Marie-Galante, « il y a du vent presque continuellement », rappelle Giuseppe De Marco, le trésorier de l’association Marie-Galante Kitesurf. Cet Italien installé  depuis 2014 sur l’île a cofondé avec deux autres fondus de kite, David Buatois, du beachbar la Bodega et Philippe Gavard, infirmier, cette association début 2021. Elle compte près d’une quarantaine de membres. Mais il y a sans doute beaucoup plus de pratiquants sur l’île sans compter les touristes de passage. Rien d’étonnant à cela : Marie-Galante est un chapelet de spots à kite selon ce que décrit Giuseppe. Il  y a la Feuillère à Capesterre, le spot le plus exigeant et le lagon des Basses, le plus sécurisé parce qu’on a pied partout. Sans oublier le Troisième Pont, parfait pour le wingfoil, une nouvelle déclinaison qui a le vent en poupe. « On peut retrouver des spots comme ça dans le reste de la Caraïbe mais ce qui fait la différence c’est la beauté des paysages et il y a moins de monde, beaucoup moins de monde qu’ailleurs. Ici, on a un contact à la nature qui est plus direct », précise-t-il.

Et pourtant, des Marie-Galantais encore peu visibles

À la Feuillère, où un nombre important de voiles survolent le spot quotidiennement en cette saison où le vent est généreux, pas de Marie-Galantais à l’horizon. Le sujet devenait délicat, à tel point que même Jean-Louis Abatan, le policier municipal, les avait à l’œil les kitesurfeurs. Il avait eu vent des plaintes régulières des baigneurs vis-à-vis des pratiquants de ce sport qui prend de la place. Une réunion afin de réglementer et d’organiser le kite a été organisée. Réunion qui donne alors lieu à des échanges plutôt francs, rappelle le policier :

 

 

Ambiance…Mais l’un dans l’autre, le fait de se parler a permis de créer une dynamique. La plage de la Feuillère est maintenant clairement organisée en deux pôles, une partie réservée au kitesurf et l’autre à la baignade. Un panneau de délimitation des zones par activité dédiée a été installé à Capesterre il y a quelques mois :

zone de kitesurf

D’antikitesurf à passionné de la discipline: récit d’un rescapé du COVID

Et dans tout ça, Jean-Louis Abatan, le policier municipal, s’est même mis au kitesurf.  Depuis octobre dernier, le quadragénaire qui n’était pas à l’aise dans l’eau a été pris en mains par Giuseppe De Marco, et pratique plusieurs fois par semaine. Dès qu’il y a du vent, il est à l’eau et apprend. Pourtant, il partait de loin. « Je n’aime pas la profondeur. Je sais nager mais je ne suis pas un poisson. C’est un challenge, un défi que je me suis lancé parce que je veux être le premier Capesterrien à en faire et je mets tout ce que j’ai pour pouvoir réussir ce défi-là », disait-il à Foufougong en début d’année 2022. Un revirement que Jean-Louis doit peut-être à sa situation personnelle. Il confie avoir contracté une forme grave du Covid en septembre 2020. «Je suis asthmatique. J’ai cru que c’était une crise d’asthme, j’ai ensuite perdu le goût et l’ odorat et c’était parti : descente aux enfers. J’ai été malade trois semaines, hospitalisé six jours et placé sous oxygène. J’aurais pu perdre la vie. Je m’étouffais donc tu vois la vie autrement. C’était dur. Je l’ai mal vécu», explique-t-il alors qu’il souffre encore de Covid long et lutte contre des pertes de mémoire qui tendent à se résorber. Et maintenant, Jean-Louis Abatan ne tarit pas d’éloges sur ses expériences en tant que nouvel initié. On l’écoute alors qu’il réussit maintenant à naviguer sur l’eau après quelques mois de formation supervisée gratuitement par Giuseppe dit « Peppe ». Depuis, le kitesurf est devenu sa passion. Et il n’est pas le seul…

 

 

Des stages d’initiation pour des jeunes marie-galantais

Dans le même temps, l’association a commencé à proposer des stages gratuits pour les jeunes marie-galantais sur ses fonds propres en attendant des subventions. Durant un week-end d’initiation en décembre dernier, 48 jeunes ont pu avoir un premier contact avec la discipline. C’est Mickael Louber, professeur de kite à Sainte-Anne et père de l’actuel champion du monde chez les U15 Enzo Louber, qui a fait le déplacement pour les encadrer. Sur les 48, 12 jeunes dont 11 marie-Galantais ont poursuivi et une première session de formation s’est étendue entre janvier et début mars.  Agés de 9 à 17 ans, ils ont pu avoir accès à  du matériel en accès libre, des professeurs diplômés venus spécialement de Bretagne : le rêve pour tout apprenti kitesurfeur.  Pour Giuseppe, c’est une évidence : « Dès le début de la création de l’association, nous nous sommes engagés afin qu’il y ait des locaux qui pratiquent.  Il faut créer un lien et faire en sorte que ce sport soit pratiqué ici. Moi, partout où j’ai pratiqué, j’ai toujours vu des locaux en faire. Arriver ici et découvrir qu’il n’y en avait pas, je me suis dit que c’était dommage »

 

Saymon, 9 ans: « Je veux devenir champion »

Carine Bastide et ses 3 enfants, accompagnés de Giuseppe De Marco le 3 mars dernier, le dernier jour de la session de formation. Saymon, 9 ans, Marley, 12 ans, Kelly-Ann, 15 ans ont fait une séance au moins par semaine pendant plus de deux mois. Pour le plus jeune, Saymon, l’objectif est clair

Carine explique : « Le plus intéressant pour eux c’est de voir l’ile d’un autre point de vue et donc la chance qu’ils ont de pratiquer ici. On était déjà venus faire la pêche à la palourdes dans les parages donc on connaît la plage mais de pouvoir surfer sur l’eau sans pour autant avoir à marcher dans l’eau ça change complètement le rapport avec l’eau, on va loin et après pour revenir c’est pap pap’ (rires). Ils ont une facilité de mouvement qui est plus intéressante » confie cette maman qui est également couturière professionnelle et qui voit le potentiel du développement de cette discipline.

Le business de la voile : qui a une machine à coudre zigzag?

«Je projette de pouvoir proposer de la réparation, peut-être pas de la confection mais au moins de la réparation. Je lance un appel je recherche une machine zigzag pour pouvoir fonctionner à Marie-Galante et proposer des réparations aux vacanciers qui sont de passage dans le cadre du kitesurf et également avoir un point de rencontres des kiteurs »

 

Marly Caneval, maman de Romain, 14 ans « En un mois, il s’est épanoui »

« Il a commencé il y a un mois. Avant, il faisait du football à l’USGB. Suite aux restrictions sanitaires, j’ai préféré le garder à la maison. Mais avec le kitesurf, on est seul, dans l’eau, pas de contact alors c’est moi qui l’ai inscrit et je ne lui ai pas trop laissé le choix (rires). Il n’était pas très emballé au début. Là, je suis étonnée parce qu’il m’incite à venir. Il me dit qu’il veut continuer avec l’achat des équipements. C’est cher mais avec l’association, on va voir s’il est possible de pouvoir avoir du matériel à moindre coût pour que les enfants puissent continuer la pratique. Il ne faudrait pas que ça s’arrête. Il faut avoir de l’attention, gérer sa voile, ça le canalise un peu parce que c’est un enfant qui bouge beaucoup et la mer semble être la solution. Là il rentre, il est fatigué. Quand il rentre à la maison, une douche, il mange et il est cassé. Faites du kitesurf! (Rires). Le football, ce n’était pas du tout pareil. Il s’est épanoui en un mois à deux fois de kitesurf par semaine, ça lui fait du bien. Il s’intéresse plus à la mer. Il observe le vent et il est devenu plus épanoui et plus autonome »

 

 

Nacellia Laporal, 14 ans, « j’ai un ami qui m’a dit que sé bitin à blan mais en fait c’est cool »

« Je sais contrôler la voile, glisser sur l’eau, déposer la voile doucement dans l’eau, contrôler la voile, la laisser en l’air et lâcher tout. Je m’amuse. Je faisais du foot et du volley-bar mais pas du tout de sports nautiques. C’est une découverte. Quand j’en parle à mes amis, il y en a un qui m’a dit « an pa ka fè bitin a blan mais c’est cool en fait. C’est amusant, tu apprends des choses que tu ne connaissais pas, tu peux sauter dans l’eau avec, t’envoler dans les airs », conclut Nacellia.

 

Et la suite?

À partir du 14 mars, chaque stagiaire sera équipé, en harnais, gilet et chaussons annonce l’association bien décidée à ne pas abandonner les stagiaires ainsi initiés, au milieu de la passe des Basses. Maintenant, il faut s’équiper en fonction du budget des familles. Car entre la planche, la barre, l’aile, et tout l’équipement de sécurité, les sommes montent vite, parfois jusqu’à 2000 euros. Ainsi, l’association espère pouvoir récupérer du matériel. C’est le cas de certaines planches qui seront données ou vendues à prix préférentiel. Giuseppe, pour sa part, va également dispenser aux parents une formation aux consignes de sécurité afin de pouvoir  encadrer leurs enfants, hors session de formation. Session que l’association espère pouvoir recommencer en mai jusqu’aux vacances scolaires, puis une autre en septembre afin que les jeunes soient totalement autonomes d’ici la fin de l’année. Pourquoi ne pas imaginer que lors du prochain week-end d’initiation en fin 2022, ces jeunes puissent montrer à d’autres jeunes marie-galantais le résultat d’une année de pratique?  D’ici là, la plage de la Feuillère pourrait avoir changer de visage en accueillant plus de pratiquants locaux. Cette volonté de démocratisation laisse à penser à l’initiative portée il y a quelques décennies notamment par Max Portécop en faveur de la voile à Marie-Galante.

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