Le Ti Nono, un bateau de pêche de 7m, a été drossé sur le rivage marie-galantais dans la nuit de mercredi à jeudi. Le bateau rempli de sable n’arrivait même plus à flotter et a coulé plusieurs fois en étant remorqué par la SNSM avant d’être ramené au port de Saint-Louis. Hervé Treille, le pêcheur professionnel qui en est propriétaire, ne s’explique pas ce sinistre mais il décrit une aventure humaine empreinte de solidarité alors que son bateau est toujours échoué au niveau du port de Saint-Louis.
Jeudi 9 décembre au soir, sur le port de St-Louis, ils étaient une dizaine de badauds les yeux écarquillés devant l’étrange scène en train de se jouer. Certains échos parlent même d’une ambiance de fête communale autour de cet esquif en train de remonter comme un kolanten’ sur les rochers de protection du port. Le camion de remorquage Beaumont a ferraillé sec de 18h à …23h afin de récupérer ce bateau naufragé et de le mettre à terre…ou plutôt à sable. Mais à qui appartient l’embarcation et que lui est-il arrivé exactement ? Pour le savoir, il faut remonter au cœur de l’action durant la nuit de pêche de mercredi à jeudi. REWIIIIIIINDONS la scène !
Une partie de pêche qui vire au naufrage
Hervé, le patron du Ti Nono, un petit bateau de 7m basé au port de Goyave, était tranquillement en train de nettoyer ses filets qu’il venait de « virer » c’est-à-dire de remonter à bord alors qu’il se trouvait au large de l’Anse Canot en pleine pêche. Nettoyage, démaillage des poissons vers 2h du matin. Tout est normal. Mais de nuit, sur un bateau, sous la lumière des spots, on ne voit rien de ce qui se passe autour, même s’il y avait cette houle qui provoquait des déferlantes à la plage. Le bateau dérivait donc depuis le début de la soirée quand une vague plus hardie que les autres décida de changer le cours de ce qui était une nuit de pêche jusque là normale.
« Le bateau a pris une vague par l’arrière et a fait un surf sur une dizaine de mètres et la seconde d’après il a talonné c’est à dire qu’il a touché le sol. Dans la foulée, j’ai démarré mais le moteur a calé immédiatement puisqu’il était déjà dans le sable et après ça s’enchaîne vite », décrit Hervé. L’embarcation de 7m se retrouve alors échouée sur la plage de la Pointe de l’Eglise, juste avant Vieux-Fort, avant le parking de l’Anse de Mays.
« La particularité d’une île comme Marie-Galante qui est assez petite c’est que le courant change assez vite de direction. Il y a un temps d’étal entre les marées qui est assez court et le courant a dû s’inverser puisque ce n’est pas normal que depuis ma position j’aie fini à la plage. Ça s’est passé comme ça et je ne comprends pas trop », soupire Hervé.
Le jeune homme et la mer
Au beau milieu de la nuit, la galère du Ti Nono ne fait que commencer.
« Une vague l’a poussé violemment. Il s’est échoué de tout son long au travers de la plage et après une, puis deux, puis trois vagues, le bateau est carrément monté à la plage. Au fur et à mesure de la nuit, il s’est rempli de sable. Il s’est passé un long moment où j’ai essayé de le sortir de là. C’était impossible. En même temps, je récupérais aussi mon matériel qui flottait autour. Le jour arrivant, je n’ai pas trouvé d’autre solution que d’appeler le Crossag, le service d’opération de secours en mer qui est basé en Martinique, qui a envoyé à ma demande la station SNSM des Saintes. Ils sont venus sur zone deux heures après. Tous ces contacts ont été faits grâce à la VHF portable étanche. C’est le seul matériel que j’avais à ma disposition puisque je n’avais plus de téléphone. La VHF fixe elle-même était noyée. J’ai essayé d’arrêter des gens sur la route mais personne ne s’arrête au lever du jour, surtout que j’étais en bottes avec un t-shirt de pêche.
La ligne directe de God, heu pardon, du Cross :
« La manœuvre de la SNSM s’est bien déroulée mais le problème c’est qu’une fois déséchoué, le bateau s’étant rempli d’eau, il y avait une grosse gîte sur bâbord. J’ai pu écoper au seau puisque j’étais à bord pendant la manœuvre mais ce que je ne voyais pas c’est qu’il y avait énormément de sable à l’intérieur c’est-à-dire sous le pont et il était complètement déséquilibré alors le Ti Nono a immédiatement coulé en remorque derrière le canot de la SNSM avec moi dessus. J’ai dû regagner la plage à la nage 25 mètres derrière moi. Ensuite, la SNSM a beaucoup travaillé pour remettre mon bateau à flot en avançant à vive allure, espérant qu’il arrive à sortir d’eau et à s’assécher. Malheureusement, malgré les efforts des deux plongeurs de la SNSM qui étaient à bord pour enlever de l’eau et du sable, le bateau coulait de nouveau dès que la SNSM ralentissait. Arrivés à 20 mètres du quai de Saint-Louis, mon bateau a recoulé alors qu’il s’approchait du port. Sous mes yeux », se rappelle attristé le jeune pêcheur.
Solidarité Marie-Galantaise
Mais les bénévoles de la SNSM ne sont pas les seuls à s’être portés au secours du pêcheur. Un Marie-Galantais qui passait par là, Eric Broussillon, se rapproche de la scène alors qu’il est encore sur la plage de la Pointe de l’Eglise et propose son aide.
« J’allais à une partie de pêche avec ma femme quand j’ai vu Hervé en difficulté », explique Éric.
Et son rôle sera déterminant à l’arrivée au port de Saint-Louis car l’esquif est remplie de sable et d’eau de mer et pèse plus de 8 tonnes. Le Ti Nono ne flotte plus du tout et ne peut rentrer au port normalement et risque de couler dans la baie.
« On l’a amarré au bout du ponton parce qu’il ne pouvait pas rentrer plus à terre. Quand le camion-grue du transporteur Beaumont est arrivé sur les lieux au bout du quai, il a essayé de soulever mais c’était trop lourd. Il l’a ramené ici petit à petit et on est arrivé au niveau de la plage vers 22h », décrit Eric. Le camion-grue a fait plusieurs manœuvres afin de sortir le bateau mais il n’arrêtait pas de couler car le sable est coincé sous le pont derrière le longeron. Il y a probablement des tonnes de sable même à l’intérieur de ce petit bateau de 7 m.
« La solution finale a été de tirer mon bateau sur la plage avec ce même camion histoire de le sécuriser », informe Hervé qui vers 17h est reparti en Guadeloupe avec des amis de Goyave, venus le récupérer afin de rapatrier ce qu’il avait pu sauver du bateau. Sur place, ce sont donc les locaux qui s’occupent de sécuriser le bateau. Et ça, c’est encore une autre paire de manches.
Un travail de fourmis
« Il y a les réverbères, on ne peut pas passer. Il faut soulever le bras du camion à chaque fois tirer petit à petit. Je dois plonger sous l’eau, attacher à chaque fois les sangles et c’est beaucoup de boulot », se rappelle Eric Broussillon, en vraie fourmie sous-marine.
Heureusement, le pêcheur sous-marin amateur est l’homme tout indiqué pour le job, salué d’ailleurs par le pêcheur naufragé.
José Vergé-Dépré qui mène encore en ce moment (ce week-end) les travaux de remise en état du moteur du Ti Nono est aussi une cheville ouvrière de l’opération de secours. Il a fort à faire car le moteur était encore rempli d’eau samedi matin.
« Le bateau est assuré en tout risque. Je ne sais pas ce qui va se passer. Je ne sais pas combien je vais avoir de l’assurance. Je regarde déjà pour un autre bateau. Si je dois prendre un nouveau moteur, il y aura sans doute plusieurs mois d’attente avec les circonstances actuelles », s’inquiète le pêcheur professionnel, bien conscient qu’au milieu de tout cela, il a peut-être perdu un bateau mais qu’en parallèle, il a pu expérimenter la solidarité marie-galantaise.
« Drosser » plutôt que ‘rosser’